4eme partie
Boufaréo
: |
Et
maintenant tous les habitants de Bethléem s'étaient
rassemblés sur la place, il ne manquait que Roustido qui continuait
à parcourir la colline en criant : "Mireille ! Mireille
!" Ila avaient mis leurs habits du dimanche, ils avaient des cadeaux plein les charretons et ils portaient des chandelles. Il n'y en avait qu'un qui dormait, c'était le Ravi. Ce n'est pas parce qu'il avait le sommeil profond, mais que ce soit le jour ou la nuit il n'était jamais complètement réveillé. Le jour il restait à sa fenêtre les bras en l'air en regardant les gens, le ciel, les bêtes, les fleurs et en disant : |
Le
Ravi : |
Que
le monde est joli ! Ce n'est pas possible qu'il soit aussi joli.
|
Boufaréo
: |
Les
bras toujours levés, et la bonnet de nuit sur la tête,
il est venu se méler à la foule. Soudain il s'arrêta
il venait de voir un vieillard juste sous un porche |
Le
Ravi : |
Qu'est
ce que tu as toi, à ne pas être heureux ? |
L'aveugle
: |
Moi,
je suis l'aveugle. |
Le
Ravi : |
Il
faut que tu sois heureux quand même. Un jour comme aujourd'hui
viens avec moi je te raconterai tout, je te dirai comment ça
se passe et fais moi confiance. J'ai de l'imagination, comme je te
le dirai moi ce sera encore plus vrai que nature |
Boufaréo
: |
Il
a pris l'aveugle par le bras mais il ne savait pas exactement où
il devait aller. Les gens tournaient en rond, et se demandaient l'un à l'autre : - - Mais où il est le petit ? J'ai donné un coup de trompette. Ils ont fait le silence et je leur ai dit vous n'avez qu'a me suivre. Alors, ils se sont pris par la main et ils m'ont suivi en dansant la farandole. |
-
MUSIQUE - |
|
Si
vous le permettez, nous allons filer devant pour voir ce qui se passe
dans la crêche. mais n'oubliez pas de prendre vos pardessus
parce qu'on y gèle dans cette étable. Saint Joseph se
fait un mauvais sang terrible. |
|
Joseph
: |
Oh
! ce n'est pas un temps de chrétien ça! Il va s'enrhumer
le pauvre petit. |
L'âne
: |
Et
à son age, un rhume ça vite fait de tomber sur la poitrine. |
Le
boeuf : |
Au
lieu de dire des bétises tu ferais mieux d'avoir une idée. |
L'âne
: |
Pour
les idées, tu sais les ânes ne sont guère forts. |
Marie
: |
Ses
petites mains sont toutes froides, il a le bout du nez gelé. |
L'âne
: |
Attendez
bonne Mère, je vais nous le réchauffer. Ca vous ferez
rien de le poser sur la paille. |
Joseph
: |
Hé
! hé ! Attention ! Il est si petit, si petitounet ! |
L'âne
: |
Ne
craignez rien, voyez: je m'allonge à côté de lui
et mon collègue aussi. Allez dépêche-toi ! ...
Comme ça il sera protégé contre le courant d'air.
|
Joseph
: |
Ah
! mais ca ne suffira pas pour le réchauffer. |
L'âne
: |
Va
savoir, nous les bêtes pendant l'hiver il nous pousse du poil
et on conserve du chaud au-dedans de nous. Evidement, il vaudrait
mieux une grande cheminée avec un grand feu de bois. Et tout
ce qu'on peut vous donner, c'est notre chaleur. |
Marie
: |
Vous
êtes les plus braves. Mon fils ne vous oubliera pas. |
L'âne
: |
Si
entre malheureux on ne s'aidait pas, ce ne serait pas la peine. |
Le
boeuf : |
Allez
fais pas l'hypocrite. Dis-le lui à la bonne Mère qu'on
y pense aussi à la gloire. C'est vrai. Jusqu'à présent,
il n'y en avait que pour le cheval et le taureau, mais j'ai l'impression
que le boeuf et l'âne il s'en parlera un peu à partir
de maintenant, et qu'on en dira du bien vous ne croyez pas ? |
-
Eternuement de l'enfant - |
|
Joseph
: |
Oh
! Catastrophe il a éternué. Oh ! il va prendre le mal
de la mort ce petit |
Marie
: |
Rendez
le moi. |
L'âne
: |
Attendez.
Oh ! Collègue ! Quand je te souffle sur le museau qu'est-ce
que ça te fait ? |
Le
boeuf : |
Ca
me fait rire. |
L'âne
: |
Ca
te fais rire mais ça te chauffe. Souffle-moi dessus pour voir. |
Joseph
: |
Oh
! Vous croyez que c'est le moment de vous amuser comme deux imbéciles
? |
L'âne
: |
Comprenez-moi
! On va lui souffler dessus mon copain et moi, tous les deux ensemble.
Vous allez voir si on vous le réchauffe pas votre petit. Allez
on y va ... |
Joseph
: |
Regardez
il a souri, il est presque tout rose. |
Boufaréo
: |
Vous
me direz que le bon Dieu, rien n'étant plus facile pour lui
d'envoyer le beau temps, un 24 décembre sous notre climat,
cela n'aurait étonné personne mais il fallait d'abord
accomplir les Ecritures. Dites-vous bien une fois pour toute, qu'il
sait ce qu'il fait le bon Dieu. Son Petit n'est pas un fils de famille,
il fallait qu'il soit élévé à la dure,
qu'il apprenne les difficultés de la vie. Mais voila nos gens qui arrivent en farandolisant, et le Ravi marche le premier en tenant l'aveugle par la main. |
Le
Ravi : |
J'avais
vu de jolis petits mistons, mais de jolis petits mistons comme ce
petit miston là, je ne croyais pas que ça pouvat exister. |
Boufaréo
: |
Et
il avait raison ce demi-fada, parce que moi non plus je n'avais pas
encore vu le petit Jésus et cela m'a coupé les ailes.
J'avais plus rien a faire sur la Terre, j'avais fait ce que le bon
Dieu m'avait dit de faire, j'avais joué de la trompette aux
quatres coins cardinaux, mais j'avais plus envie de remonter au ciel
et tous les gens qui étaient là, ils étaient
comme moi,paralysés de surprise et de joie. Alors ils
sont tombés tous ensemble sur leur genoux et ils se sont mis
à chanter à pleine voix. |
-
CHANT - |
|
Après
il y a eu un silence embarrassé, tout le monde voulait parler
mais personne savait plus que dire. Et le plus embarrassé de
tous c'était le gendarme; tous les habitants de Bethléem
avaient apportés des cadeaux excepté lui. Alors il est
devenu tout rouge et il a dit : |
|
Le
gendarme : |
Sainte
Vierge et vous Saint Joseph, excusez moi, je n'ai pas eu le temps
de passer à la maison, j'étais de service. Autrement
je vous aurai apporté des pigatelles, de la farine de chataigne,
du fromage corse, je n'ai rien sur moi que mon revolver, alors je
vous le donne pour amuser le Petit |
Joseph
: |
Ah
! Tu es bien brave... |
Le
gendarme : |
Mais
n'ayez pas peur, c'est un révolver d'honnête homme qui
n'a jamais servi |
Joseph
: |
Oui
mais, il risque de se blesser ! |
Le
gendarme : |
Pensez-vous
il n'y a pas de cartouche dedans. Juste je le portais à la
ceinture pour rassurer le monde mais vous pensez tout de même
pas que je m'en serai servi contre mon prochain. |
Marie
: |
Merci
Colombani. |
Le
gendarme : |
Vous
savez mon nom ? |
Marie
: |
Je
sais beaucoup de choses sur toi Colombani, je sais que tu attends
une lettre depuis longtemps. Eh ! Bien tu la recevra demain au courrier
cette lettre. |
Le
gendarme : |
Une
lettre |
Marie
: |
Ta
nomination de brigadier, le ministre est en train de la signer en
ce moment, alors ce révolver garde-le, parce qu'un brigadier
sans révolver ça ferait mauvais effet. |
Le
gendarme : |
C'est
vrai ce que vous dites ? |
Joseph
: |
Oh
! Dit donc tu vas pas traiter ma femme de menteuse non ! Mais promet
moi de ne pas continuer à t'en servir. |
Le
gendarme : |
Ne
vous faites pas de soucis, non seulement je ne mets pas de cartouches
mais je le laisse toujours au cran d'arrêt. |
Boufaréo
: |
Après
tout ce monde voulait parler en même temps, mais naturellement
c'est Honorine notre poissonnière qui a eu le dessus |
La
poissonnière : |
Bonne
Mère, je vous ai apporté des rascasses pour le Petit,
des rascasses presque vivantes. |
Joseph : |
De
la rascasse pour un petit qui vient de naître ? mais tu n'y
penses pas, non ! |
La
poissonnière : |
Oh
! mais dites, mes rascasses elles n'ont jamais fait de mal à
personne et qu'est-ce que vous insinuez ? |
St
Joseph : |
J'insinue
rien. Non je te dis que le petit il est trop jeune pour manger de
la rascasse et qu'au bas mot ça risque de lui donner de l'urticaire. |
La
poissonnière : |
Et
toi pistachier tu le laisses dire naturellement ! |
Le
pistachier : |
Tais-toi
! Tais-toi va ! Excusez-la ! bonne Mère elle a le parler un
peu vif, mais c'est une brave femme. En tout cas si vous ne voulez
pas de ses poissons, j'espère que vous accepterez ma lièvre.
C'est une belle lièvre d'au moins 12 livres, que j'ai tué
en venant vous voir (rires). Parfaitement ! Je l'ai tué moi
même et d'un seul coup de fusil ! |
La
poissonnière : |
A!
parlons en de ta lièvre, c'est la première fois que
tu ne rentres pas bredouille de la chasse. |
Boufaréo
: |
La
Sainte Vierge les écoutait avec amusement, à à
un moment même, elle a éclaté de rire, et Honorine
et le pistachier étaient si fier de faire rire la Sainte Vierge
qu'ils en remettaient, qu'ils se forçaient, ils cessaient d'être
drôle alors la Sainte Vierge elle a remonté le sourcil
et elle a dit : |
Marie
: |
Attention
! Vous allez tomber dans l'opérette marseillaise. |
Joseph : |
Et
le petit il n'aime pas ça ! Mistral et Daudet ils sont déjà
au ciel, bon Pagnol et Giono iront surement d'accord, mais les autres,
il faudra qu'ils se surveillent. |
Boufaréo
: |
Et
à partir de ce moment là, chacun a fait son numéro
dans la discrétion. Le berger a enlevé l'agneau qu'il
avait autour du cou, et il l'a déposé aux pieds du petit
jésus sans promoncer une parole et il a fait une dernière
caresse à son chien et il a dit : |
Le
berger : |
Moi,
je suis le berger, j'ai un joli filet de voix mais on s'en est jamais
servi dans les opérettes, je ne fais rire personne, je parle
seul, je sens mauvais, j'ai pas d'amis, enfin j'en ai un, c'est mon
chien. Il est mort ce matin mais il est ressucité ce soir.
Dans une opérette les chiens qui ressucitent personne ne voudrait
y croire. Alors ce chien ressucité Bonne Mère je le
donne à ton petit pour qu'il le garde, pour qu'il lui fasse
les commissions. |
Marie
: |
Berger,
mon fils plus tard sera berger comme toi, il sera le berger des hommes,
et les hommes n'ont pas besoin de chien pour qu'on les garde, ils
ont besoin d'amour. |
Boufaréo
: |
Les
paroles de la Bonne Mère passaient nettement au-dessus de l'assemblée,
mais le berger, lui, les avait comprises. |
Le
berger : |
Mais
s'il ne veut pas de mon chien, peut-être voudra-t-il de moi
? |
Marie
: |
L'heure
n'est pas encore venue, mais il te fera signe. |
Boufaréo
: |
Ainsi
fut recruté le premier apôtre, sans que personne s'en
aperçoive, mais dans l'assemblée, il y en avait un qui
commençait à trouver le temps long, c'était le
meunier avec son sac sur la tête et les deux autres sous chaque
bras. Il avait des crampes partout. Il fit tomber le sac qu'il avait
sur la tête et dit : |