5eme partie
Le
meunier : |
Bonne
Mère, jusqu'à ce soir j'étais un gros fainéant. |
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Le
pistachier : |
Ah
! ça c'est vrai ! |
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Le
meunier : |
Toi
pistachier je ne te parles pas, je parle à la Bonne mère.
J'étais un si gros fainéant que même dans le pays
ç'avait fini par se remarquer et puis ce soir, il s'est produit
un grand miracle. J'ai senti en moi une envie de travailler. Une envie
si grande que sur le moment, elle m'a fait peur. Mais je me suis ressaisi,
et de la première farine que j'ai faite depuis des mois, je
vous ai apporté trois balles à tout hazard pour la bouillie
du miston.Et si vous le permettez je vais rentrer tout de suite au
moulin pour profiter de mes bonnes dispositions. J'ai tellement peur
que ça se passe. |
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Marie
: |
Tu
ne vas pas travailler un jour de fête ! |
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Le
meunier : |
Ah
! si vous me le demandez, je serai bien obligé de rester sans
rien dire et sans rien faire, mais je vous jure que ça va me
couter. |
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Marie
: |
Et
bien rentre chez toi. |
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Le
meunier : |
Non,
non, il vaut mieux pas, parce que je crois pas qu'une fois rentré
dans mon moulin, j'aurai le courage de rester sans rien faire. Je
tiens plus en place. Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! |
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Marie
: |
Retourne
à ton moulin, je crois que tu as de la visite. |
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Le
meunier : |
De
la visite ? |
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Marie
: |
Elle
s'appelait Marie-Madeleine n'est-ce pas ? |
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Le
meunier : |
Elle
est de retour pour de bon et pour toujours. Oh ! Bonne Mère,
oh ! mes amis ! |
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Marie
: |
Tu
lui as pardonné au moins ! |
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Le
meunier : |
Oui,
il y a bien longtemps et ce soir, je suis tellement heureux que je
crois que j'ai pardonné à l'espagnol. |
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Joseph
: |
Alors
tu peux partir. |
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Boufaréo
: |
Et
le meunier est sorti comme un fou sans dire merci à la Saint
Vierge et sans dire au revoir à personne et le Ravi disait,
en levant les bras en l'air : |
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Le
ravi |
Mon
Dieu, comme c'est beau un homme qui était malheureux et qui
devient heureux. Mon Dieu, comme c'est beau un homme qui était
fainéant et que l'envie de travailler le prend. |
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Le
pistachier : |
Ecoute
le Ravi, tu commences à nous agacer. |
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Le
ravi : |
Si
je t'agace, je te demande pardon. |
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Le
pistachier : |
Tu
parles travail, tu n'a jamais rien fait de ta vie. |
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Le
ravi : |
J'ai
regardé les autres et je les ai encouragés, je leur
ai dit qu'ils étaient beaux et qu'ils faisaient de belles choses.
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Le
pistachier : |
Et
tu t'es guère fatigué ! Tu n'as même pas apporté
de cadeaux. |
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Marie
: |
Ne
les écoute pas Ravi. Tu as été mis sur la Terre
pour t'émerveiller, tu as rempli ta mission et tu auras ta
récompense, le monde sera merveilleux tant qu'il y aura des
gens comme toi, capables de s'émerveiller. |
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Le
ravi : |
Arche
d'alliance ! Tour de David ! Porte du Ciel ! Etoile du matin ! Salut
des pêcheurs ! Rose mystique ! Bonne Mère admirable ! Merci à vous. Bonne Mère très pure , merci à vous ! Bonne Mère très chaste, merci à vous ! Bonne Mère des Anges, merci à vous ! Bonne Mère du Sauveur, merci à vous ! Salut des infirmes, Consolatrice des affligés, merci à vous ! |
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Boufaréo
: |
Ils
se retournèrent tous. L'aveugle venait de tomber à genoux,
il avait l'air en extase. |
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Marie
: |
Tu
me remercies toi qui n'as jamais vu le ciel et les étoiles
? |
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L'aveugle
: |
Je
te rends grâce, je chante tes louanges. |
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Marie
: |
Tu
me rends grâce toi qui vit dans la nuit, tu chantes mes louanges
toi qui es enfermé dans la plus sombre des prisons. |
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L'aveugle
: |
Le
ciel tu me l'as donné, la lumière elle est en moi. Je
me sens libre comme l'oiseau. |
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Joseph
: |
Marie,
ma belle, il faut faire quelque chose pour cet homme, tu n'as qu'un
mot à dire. |
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Marie
: |
Mon
Dieu, qui ce soir a exaucé tous mes désirs .... |
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L'aveugle
: |
Non
! Bonne Mère ce n'est pas la peine. Ne le dérangez pas
je sais que le monde il est beau puisque c'est Lui qui l'a fait .
Je suis sur que le ciel est encore plus beau puisque c'est là
qu'Il habite. Non ! demandez-lui seulement que je n'ai pas longtemps
à attendre, faites que j'ouvre les yeux le jours de ma mort,
faites que je vois quand ça vaudra la peine de voir. |
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-
CHANT - |
||
Boufaréo
: |
A
force de rôder dans la campagne en criant : Mireille ! Mireille
! Roustido avait fini par apercevoir toutes les petites lumières
qui avaient transformé l'étable en reposoir. Il était
entré pendant que tout le monde chantait, et personne ne s'était
aperçu de sa présence. D'abord, il avait vu sa fille
qui tenait par la main son tambourinaire et il avait failli mourrir
de colère d'entrée. Puis il avait vu le boumian avec
la dinde étranglée, et il avait failli arrêter
la chason pour faire un malheur.mais il était resté
bien sage dans son coin, et il sentait petit à petit couler
en lui une espèce de douceur, de gentillesse, de bonté
et il se répétait sans arrêt : mais qu'est-ce
qu'il t'arrive Roustido, tu es pas en colère, tu es complètement
gaga. Allez zou ! mets toi en colère mais il restait toujours
immobile et il se sentait devenir meilleur à chaque secondes.
Et quand il a vu le boumian s'avancer vers le petit Jésus en
balançant sa dinde d'un air timide, il a pas bronché
et le boumian disait : |
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Le
boumian : |
Petit
Jésus, toi qui a la peau si blanche, le cheveux si blond, n'aie
pas peur de moi qui suis noir de poil et presque nègre de peau.
Je t'ai apporté cette dinde.... |
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Le
gendarme : |
mais
tu es sans vergogne, cette dinde tu l'as volée. |
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Marie
: |
Laisse-le
parler, veux-tu gendarme. |
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Le
boumian : |
D'abord,
des dindes, j'e volerai plus. Et celle-là, je l'ai volée
à Roustido. Et des dindes, il en à ne savoir qu'en
faire. Tandis que vous peuchère, vous êtes dans le besoin.
Alors j'ai pensé qu'au lieu de me la garder je ferai mieux
de vous la porter. Si vous n'en voulez pas, vous pourrez toujours
la vendre. |
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Marie
: |
Tu
as très bien parlé, boumian? |
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Le
gendarme : |
Ah
! Je veux pas te contredire, mais cette dinde elle n'est pas à
lui : ce qu'il vous propose tombe sous le coup de la loi. Article
19 : "Recel et complicité". |
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Marie
: |
Cette
dinde nous ne pouvons pas l'accepter. Ce que nous acceptons, c'est
la gentillesse avec laquelle tu nous l'as offerte. Tu nous promet
boumian de ne plus jamais voler ? |
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Le
boumian : |
Ni
dinde, ni poule, ni pintade, ni pintadon. Et pourtant c'est bon le
pintadon bien tendre. |
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Marie
: |
boumian
! |
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Le
boumian : |
Promis
j'en volerai plus ! |
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Marie
: |
Alors
reprens ta dinde, et va la rendre à qui tu l'as prise. |
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Boufaréo
: |
Et
alors il s'est produit un coup de théatre que jamais vous n'avez
vu de pareil. Roustido a écarté gentiement le monde,
et il a dit : |
|
Roustido
: |
Tu
peux la garder, je te la donne. |
|
Boufaréo
: |
C'était
la première fois que Roustido faisait un cadeau à quelqu'un.
Les gens n'en revenaient pas. Le ravi était encore plus ravi
que d'habitude. |
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Le
ravi : |
Oh
! Roustido que c'est beau ce que tu viens de faire. J'en ai vu de
belles choses dans ma vie, mais jamais d'aussi belles que cette belle
chose là. |
|
Boufaréo
: |
Roustido
s'était mis à genoux et se frappait la poitrine. |
|
Roustido
: |
Petit
Jésus, je suis un assassin. Quand ton père et ta mère
sont venus frapper à ma porte, je les ai laissé à
la rue, je ne me le pardonnerai jamais, je suis un criminel. |
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Joseph
: |
Oh
! Ne vous mettez pas dans des états pareils, vous voyez tout
fini par s'arranger. |
|
Roustido
: |
Je
vais vous faire préparer une voiture bien bâchée,
bien souple, avec un cheval bien doux et je vais vous conduire dans
ma maison, dans la chambre la plus belle, la mieux chauffée,
dans la mienne quoi, et vous y resterez tant que vous voudrez, jusqu'à
la fin de vos jours si ça vous fait plaisir, et vous aurez
à vous faire du souci de rien. |
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Joseph
: |
Allez
! Tu es bien brave, va. Qu'est-ce que tu en dis Marie ? |
|
Marie
: |
Mon
fils et moi, nous vous remercions; mais nous ne pouvons accepter.
Nous devons rester ici pour accomplir la volonté de Dieu. |
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Roustido
: |
Mais
alors, qu'est-ce que je vais en faire de toute la bonté que
je sens dans le coeur ? Tout seul dans ma grande maison vide ! |
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Marie
: |
Avancez-vous
les petits, toi Mireille l'Arlésienne et toi Vincent le Tambourinaire.
Oui, toi, n'ai pas peur. |
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Roustido
: |
Lui
je ne veux pas le voir. jamais il n'épousera ma fille. |
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Joseph
: |
Pourquoi
? Il est beau comme un sou neuf. |
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Roustido
: |
Vous,
ne vous mêlez pas de mes affaires de famille. |
|
Marie
: |
Et
vous dites que vous vous sentez plein de bonté ! |
|
Roustido
: |
Comprenez-moi,
faire cadeau d'une dinde à un caraque, recevoir des amis à
le maison, d'accord. Je me sens capable de le faire; mais donner ma
fille à un joueur de fifre qui n'a même pas une chemise
de rechange, vous pouvez me juger sévèrement, si vous
le voulez, c'est au-dessus de mes forces. Mettez vous à ma
place. |
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Joseph
: |
Ah
! Il y a du vrai dans ce qu'il dit. |
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Boufaréo
: |
Il
était têtu le vieux et pour le faire changer d'avis,
le bon Dieu aurait été obligé de faire un miracle.
Mais il n'en a pas en besoin parce que dehors venait d'éclater
un tintamarre terrible. |
|
-
ARRIVEE DES ROIS MAGES- |
||
C'était
les Rois Mages. A force de regarder l'étoile qui devait les
conduire à Bethléem ils avaient tous un peu le torticolis.
Ils étaient partis depuis des mois, et ils avaient juste un
quart d'heure de retard à cause d'un de leur chameaux qu'ils
venaient de vendre. Ils venaient du bout du monde, avec des turbans,
des colliers de perles, avec une armée de négrillons
qui leur tenaient le pan de la robe. |
||
Le
Ravi : |
Saint
Vierge, qu'est-ce que c'est beau, regardez comme ils sont beau ces
hommes. |
|
Boufaréo
: |
Au
lieu de s'agenouiller comme tout le monde, ils s'étaient mis
à plat ventre et ils collaient le front par terre en disant
: |
|
Le
Ravi : |
Viens
ici mon pauvre, toi qui n'a pas voulu retrouver tes yeux de peur des
vilaines choses de la vie. Celui-là qui est grand et maigre
à la peau toute jaunâtre, il s'appelle MELCHIOR. Il tient dans
la main une cassolette d'or et de pierres précieuses. De la
cassolette monte une fumée qui sent bon, qui sent bon. |
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L'aveugle
: |
Oui,
je connais, c'est de l'encens. |
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Le
Ravi : |
Le
deuxième s'appelle BALTHASAR. Il a les dents blanches comme
le sommet du ventoux, et il a les mains rouge comme des pastèques
et les joues violettes comme des figues. Il a de grands anneaux aux
oreilles, dans les mains, il tient une urne d'argent, et ce qu'il
y a dedans je ne le sais pas. |
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L'aveugle
: |
Si
! il y a de la myrrhe, oui c'est le parfum le plus subtil de l'Arabie. |
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Le
ravi : |
Que
tu es heureux toi l'aveugle, tu sens les odeurs qui n'arrivent pas
jusqu'à nous. Et le troisième, il a une barbe blanche qui lui descend jusqu'aux pieds. Il est obligé de rester courbé pour pouvoir tenir dans le cabanon. Il s'appelle GASPAR.. Il ressemble à mon grand-père, il tient dans ses mains une grosse malle de cuir. il y a dedans tu le sais peut-être, des pièces d'or. |
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L'aveugle
: |
Je
les entend glisser l'une sur l'autre comme les gouttes d'eau d'une
rivière. |
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Le
Ravi : |
Tu
avais raison : c'est bien de l'or. Que tu es heureux toi l'aveugle,
tu entends les bruits qui ne viennent pas jusqu'à nous. |
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-
CHANT - |