2eme partie
Boufareo
: |
Saint
Joseph marchait devant , la barbe secouée par le mistral comme
une bannière. Il essayait de couper le vent à la sainte
Vierge avec ses larges épaules, de temps en temps il se retournait
et disait : |
Joseph
: |
Et
alors ! ma belle. |
Marie
: |
Je
n’en peux plus. |
Joseph
: |
Oh
! Encore un petit effort. Tiens je vois un cabanon là tout
près. |
Marie
: |
Personne
ne veut de nous. |
Joseph
: |
Les
riches peut-être mais ce sont des pauvres. Ils nous feront bien
une petite place. |
Marie
: |
Donne
moi ton bras. |
Joseph
: |
Ah
tiens ! |
Marie
: |
Mon
Dieu que j’ai mal ! |
Joseph
: |
Aïe
aïe aïe aïe aïe, quelle misère, nous sommes
propre va : pas d’argent, pas de maison et une femme qui va
accouché en pleine nuit et par un temps pareil. N’aie pas peur va ! attend je vais te porter. |
Marie
: |
Je
te demande pardon de te causer tant de soucis. |
Joseph
: |
Mais
je suis sur que cela s’arrangera, mais quand même le bon
Dieu il est pas raisonnable. Quand je t’ai épousé, j’aurai dû poser mes conditions ! |
Marie
: |
Tu
regrettes ? |
Joseph
: |
Oh
! écoute moi bien ma belle, mais qu’est-ce que je suis
: un pauvre rien du tout et le bon Dieu m’a donné le
droit de te prendre par la main et de te porter dans mes bras, toi
la mère de son petit et tu voudrais que je regrette quelque
chose, oh ! mais un bonheur comme ça je ne l’avais pas
mérité moi , seulement qu’il nous aide un peu
le bon Dieu, autrement nous allons à la catastrophe et il y
aura des gens pour dire que c’est de ma faute. Attends va , bouge pas, nous sommes arrivés. |
Il
y a quelqu’un ? |
|
Ils
dorment les pauvres. Ca m’ennuie de les réveiller, mais
je ne peux pas faire autrement. |
|
-
IL FRAPPE - |
|
Boufareo
: |
Vous
avez entendu St Joseph. Y a pas plus brave que cet homme, il n’aime
pas déranger les gens et même quand il s’est aperçu
que le cabanon était une étable, il a eu un peu honte
de déranger le bœuf et l’âne. Bien sur c’était que des bêtes mais elles avaient travaillé toute la journée et elles avaient le droit de dormir comme tout le monde. Il leur a dit : |
Joseph
: |
Excusez
moi de vous déranger… |
Boufareo
: |
Le
bœuf et l’âne qu’on avait tirer du premier
sommeil ont failli se mettre en colère. Et quand ils ont vu
la jolie Ste Vierge toute pâle tout mourante et St Joseph avec
ses grosses mains rudes et calleuses de travailleur, ils ont eu honte
ils sont devenus tout gentils et plein d’amitié |
Le
bœuf : |
Ne
restez pas dehors. |
L’âne
: |
Venez
vite au chaud. |
Le
bœuf : |
Vous
avez de la chance, juste on a changé la paille ce matin. |
L’âne
: |
Si
on avait su que vous veniez, on aurai mis un peu d’ordre. |
Boufareo
: |
St
Joseph avait l’âme si simple qu’il ne s’était
pas étonné que les animaux parlaient avec l’accent.
et puis il avait trop de soucis en tête pour attacher de l’importance
à ces détails parce que la Sainte Vierge, elle, elle
venait d’entrer dans les douleurs. |
Joseph
: |
Oh
mais c’est terrible ! qu’est ce qu’il faut faire
? moi je ne sais pas. |
L’âne
: |
Et
moi non plus, je suis un âne. |
Le
bœuf : |
On
voudrait bien pouvoir vous aider, mais on est bon à rien. |
Joseph
: |
Mon
Dieu donnez moi vite un coup de main, avec ses deux santons, comment
voulez-vous que je m’en tire ! |
Boufareo
: |
Il
était presque minuit, je me suis approché du fenestrou.
Ce que j’ai vu et que j’ai entendu, ça paraît
pas croyable. C’est pourtant la franche vérité.
Le bœuf a dit : |
Le
bœuf : |
Puisqu’on
peut pas se rendre utile, on pourrait toujours dire une prière. |
L’âne
: |
Tu
en sais , toi, des prières ? |
Le
bœuf : |
Moi
non, mais St Joseph forcement, il doit savoir. |
St
Joseph : |
Oh
écoutez-les ces fadas ! Les prières elles sont pas encore
inventées ! C’est justement pour ça que le Petit
y doit venir sur la terre. |
Le
bœuf : |
En
attendant, on pourrait toujours se mettre à genou. |
Boufareo
: |
Parfaitement.
C’est comme ça que les choses se sont passées. St Joseph, le bœuf et l’âne se sont agenouillés tous les trois. Il était minuit juste. Le petit est né. Il n’a pas poussé un cri. Il est né avec le sourire. La Sainte Vierge, elle souriait aussi. , le bœuf et l’âne et Saint Joseph eux, ils poussaient des larmes grosses comme des olives. Alors Saint Joseph dit des mots qui lui venaient du fond du cœur et que personne ne lui avait appris. Et l’âne et le bœuf qui étaient moins savants que lui, lui répondirent ces paroles : |
- PRIERE - |
|
Alors
moi, je suis monté dans le ciel aussi haut et aussi vite que
j’ai pu pour annoncer la bonne nouvelle au monde. Et j’ai
soufflé dans ma trompette à m’en faire péter
les veines du cou. |
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-
CHANT -
|
|
Alors
le mistral s’est arrêté d’un coup, je crois
que j’ai réussi à le faire taire, mais c’est
pas ma trompette qui a réveillé les gens, je crois que
c’est le silence qui a suivi ; ils se sont assis sur le lit
en se frottant les yeux et en disant : |
|
Les
gens : |
Mais
qu’esaco ? Mais qu’est ce qu’il nous arrive ? |
Boufareo
: |
Alors
mes collègues, les anges, les jeunes, les minos, ceux qui ont
la voix douce, leur ont chanté une petite chanson pour qu’ils
ne s’effraient pas, pour qu’ils ne s’imaginent pas
que c’était la fin du monde, juste le jour ou le monde
venait de naître. |
-
CHANT - Il est né le divin enfant - |
|
Boufareo
: |
Et
alors j'ai plus su où donner de la tête parce qu'à
partir de ce moment là les miracles se sont succédés
à une allure extraordinaire. Oh! C'était pas de grands miracles non - juste des bonnes manières que le bon Dieu faisait aux gens pour montrer qu'il était content que les choses se soient bien passées. Le premier miracle il est tombé sur le meunier, au moment où il s'y attendait le moins. Le meunier c'était le plus fainéant de tout Bethéhem. Sous prétexte que sa femme était partie avec un espagnol, il refusait de moudre la farine. On était en décembre et le blé de la saison s'entassait toujours dans son grenier et les rats commençaient à s'y mettre. Et le meunier disait : "Eh bien cocagne té !" Il passait sa journée à boire du pastis et la nuit pour que les ailes de son moulin ne le dérange pas, il les attachait avec des cordes grosses comme des troncs d'arbres. Eh bien, vous me croirez si vous voulez, au moment où le mistral s'est arrêté et où mes petits collègues se sont mis à chanter, le meunier a eu l'envie de se sortir du lit. Il disait : |
Le
meunier : |
Je
ne sais pas ce qui me prend mais il me semble que j'ai envie de travailler.
Oh ! si je le disais à quelqu'un d'autre il ne voudrait pas
me croire. Je sais bien que ma femme est partie avec un espagnol,
mais ce blé, si je le laisse moisir il sera perdu pour tout
le monde. J'ai vraiement pas de chance, juste au moment où
je suis dans de bonnes disposition le bon Dien y me coupe le vent. |
Boufareo
: |
Il
se serait rendormi le meunier et peut-être même il se
serait réveillé fatigué par l'effort d'imagination
qu'il avait fait pendant la nuit, mais soudain, il tendit l'oreille
: les ailes de son moulin ligotées par des câbles gros
comme des troncs d'arbre s'étaient mises à tourner dans
un ciel ou ne souflait pas le moindre brise. Le mistral ne soufflait
plus et poutant les ailes du moulin continuaient à tourner
et de moudre... Et soudain le meunier a sauter de son lit, il a enfilé ses brayes, et il gesticulait, et il se démenait et il disait : |
Le
meunier : |
Où
est il ce divin Petit qui a fait un miracle pour un grand fainéant
comme moi ? Où est il ? Que je lui demande pardon. Eh ! Regarde cette farine qu'il me donne, si fine, si blanche. Je vais lui en porter un sac tout de suite. Non ! Non ! Je vais lui en porter deux, trois, un sous chaque bras et l'autre sur la tête. Et je marcherai jusqu'a ce que je l'ai trouvé ce divin Petit, même si le cou doit me rentrer dans les épaules. |
Boufareo
: |
Entre
nous soit dit, pour le bon Dieu faire marcher un moulin même
sans mistral c'est un jeu d'enfant...Mais faire sortir du lit au mi-temps
d'une nuit glaciale ce granf fainéant de meunier et lui faire
parcourir la campagne avec un sac de 100 kgs sur la tête et
un sac de 50 kgs sous chaque bras, c'est peut-être le plus grand
miracle qu'il ai jamais fait. Quoique le miracle du bougnan et du gendarme, ce n'était pas commode à réussir non plus. Le bougnan...Les gens du Nord y disent le bohémien - le bougnan - son métier c'est de voler le poules. Le gendarme lui, son métier c'était d'arrêter les bougnans. Ca faisait 20 ans qu'ils se couraient après et jusqu'à maintenant le bougnan avait toujours échappé au gendarme. Or précisement cette nuit là à minuit juste... On entendit dans le poulailler de Roustido, Roustido c'est le plus riche propriétaire de Béthléem, un gros rire triomphant... C'était le gendarme qui venait enfin de prendre le bougnan en flagrant délit. |
Le
gendarme : |
Cette
fois mon pauvre ami je crois que je te tiens. |
Le
bougnan : |
Eh
! J'ai rien fait de mal ! |
Le
gendarme : |
Et
cette dinde que tu viens d'étrangler sous mes yeux. |
Le
bougnan : |
Eh
! pas tout à fait, mais c'est Noël. |
Le
gendarme : |
Eh
! alors |
Le
bougnan : |
Eh
! alors, Noël tout le monde en mange de la dinde ! |
Le
gendarme : |
Noël
! Je n'ai jamais entendu parler ! Allez, marche devant et n'essaie
pas de te sauver, je te préviens que j'ai mon calibre sur moi. |
Le
bougnan : |
Vous
avez entendu brigadier ? |
Le
gendarme : |
D'abord
je ne suis pas brigadier, et n'essaie pas de distraire mon attention. |
Le
bougnan : |
Eh
! Brigadier ou pas, vous avez entendu quand même. |
Le
gendarme : |
Evidement
j'ai entendu. |
Le
bougnan : |
Et
quel effet ça vous fait ? |
Le
gendarme : |
Ca
ne te regarde pas ! |
Le
bougnan : |
Moi,
je vais vous dire l'effet que ça me fait : Je suis sur que
vous avez envie de me remettre en liberté. |
Le
gendarme : |
Comment
tu le sais ? |
Le
bougnan : |
Parce
que moi, c'est un peu la même chose : La dinde j'ai envie de
la rendre à son propriétaire. |
Le
gendarme : |
Mais
qu'est-ce qui se passe, nous sommes tous devenus fadas ? |
Le
bougnan : |
Peut-être. |
-
CHANT -
|
|
Boufareo
: |
Vous
avez remarqué, les collègues ont changé de répertoire,
mais quoiqu'ils chantent ça fait toujours le même effet.
Ca réveille dans le coeur des hommes des choses qu'ils ne soupçonnaient
pas, qu'ils avaient oubliés. Même ce poltron de pistachier, même sa femme la poissonnière, ils se sont sentis soudain bizarres comme s'ils étaient en train de changer de peau. |
La
poissonnière : |
Et
pourquoi tu ne dors pistachier ? |
Le
pistachier : |
J'ai
entendu du bruit, c'est peut-être des voleurs ? |
La
poissonnière : |
Oh
! Vaï les voleurs, tu n'as pas honte d'être si peureux
! |
Le
pistachier : |
Et
toi, pourquoi tu ne dors pas ? Tu sais bien que tu dois te lever à
5 heures ! |
La
poissonnière : |
J'ai
des cauchemards, je sais bien que c'est l'hiver, mais le poisson que
je vais leur vendre demain, ça fait plus de huit jours que
je l'ai. |
Le
pistachier : |
Et
qu'est-ce que ça peut te faire ! Puisque c'est pas toi qui
le mange ? Eh ! Tu l'arrosera à l'eau de mer et personne n'y
verra rien. |
La
poissonnière : |
C'est
guère honnête ! |
Le
pistachier : |
Il
y a 20 ans que tu fais comme ça, je ne vois pas pourquoi tu
changerai aujourd'hui. |
La
poissonnière : |
Tais-toi,
tu me fais honte ! Il faut que j'aille le voir ce poisson, et s'il
n'est pas comme il doit être... Eh ! bien tant pis pour moi,
je le jette ! |
Le
pistachier : |
Oh
! Mais qu'est-ce qu'il te prend ma pauvre femme ? Elle veut nous mettre
sur la paille. |
-
CHANT -
|
|
La
poissonnière : |
Pistachier
! Pistachier ! Viens vite, viens vite voir ! |
Le
pistachier : |
On
a fracturé le tiroir caisse ? |
La
poissonnière : |
Viens voir que je te dis, regarde ces rascasse ! Quand on s'est couché elles étaient molles et grises, elles avaient plus figure humaine, regarde-les maintenant ! On les diraient vivantes, regarde comme elles ont l'oeil clair ! On dirait qu'elles vont te parler ! Et les couleurs qu'elles ont ! Elles brillent tellement qu'elles te font parpeleger. |
Le
pistachier : |
C'est
un vrai miracle ! |
La
poissonnière : |
Alors
c'est vrai que le Miston c'est le bon Dieu qui nous l'envoie ! |
Le
pistachier : |
Il
faut y aller voir tout de suite ! Té ! |
:La
poissonnière : |
Tu
veux sortir toi, au milieu de la nuit, poltron comme tu es ? |
Le
pistachier : |
Dans
les grandes circonstances je ne pense pas que je suis poltron. Allez
zou ! Prenons la route ! |
La
poissonnière : |
Prends
au moins ton fusil de chasse, des fois que tu rencontres le bougnan.
|
Le
pistachier : |
Si
je le rencontre le bougnan, je lui souffle dessus, mais le fusil je
le prend quand même, si je tombe sur une lièvre. |
La
poissonnière : |
Si
tu tombes sur une lièvre, tu feras comme d'habitude, tu la
vises et tu la manques. |
Le
pistachier : |
Vas
savoir, si le bon Dieu il fait un miracle ce soir, pourquoi il en
ferait pas deux ? |